Le droit de grève dans la fonction publique territoriale en 10 questions.

Publié le 21 mars 2024 à 12:53

Le droit de grève est un droit fondamental à valeur constitutionnelle. Dans la fonction publique, il doit cependant être concilié avec d’autres principes, comme le principe de continuité du service public.

1) Qu’est-ce que le droit de grève ?

Droit fondamental à valeur constitutionnelle, «le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent» (préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 ;  code général de la fonction publique [CGFP], art. L114-1).

En outre, la loi n°2019-828 du 9 août 2019 de transformation de la fonction publique (art. 56) encadre le droit de grève des agents territoriaux en instaurant un dispositif de service minimum dans la fonction publique territoriale. Désormais, ces dispositions sont intégrées dans le CGFP (art. L114-7 et s).

2) Quelles sont les limites au droit de grève ?

Le droit de grève n’est pas absolu et doit être concilié avec d’autres principes, par exemple, le principe de continuité du service public. L’exercice du droit de grève ne doit pas être abusif et être compatible avec la sauvegarde de l’­intérêt général ou avec la protection de la santé, de la sécurité des personnes et des biens.

De manière générale, l’exercice du droit de grève dans le secteur public est régi en partie par les articles L2512-1 à  L2512-5 du code du travail.

En outre, la jurisprudence ­reconnaît aux chefs de service, responsables du bon fonctionnement des services placés sous leur autorité, de fixer eux-mêmes, en ce qui concerne ces services, la nature et l’étendue des limitations à apporter au droit de grève.

Ces limitations sont prises sous le contrôle du juge qui vérifie qu’elles visent à assurer la continuité du service (maintien d’un service minimum), la sécurité des personnes ou des biens, ou le maintien de l’ordre public et ne portent pas une atteinte excessive au droit de grève.

Par exemple, le Conseil d’Etat a jugé que ne porte pas atteinte au droit de grève le fait de demander à des sapeurs-pompiers leur intention de faire grève.

3) Tous les agents ont-ils le droit de grève ?

Des textes législatifs particuliers ont interdit, totalement ou partiellement, le droit de grève à certaines catégories d’agents :

  • les militaires,
  • les fonctionnaires de police nationale,
  • les gardiens de prison,
  • les magistrats de l’ordre judiciaire,
  • les personnels de la navigation aérienne…

4) A quels agents s’appliquent les dispositions du code du travail encadrant le droit de grève ?

Les articles L2512-1, L2512-4 du code du travail, relatifs à l’exercice du droit de grève dans les services publics, ont vocation à s’appliquer aux personnels de l’Etat, des régions, des départements et des communes comptant plus de 10 000 habitants.

Ces dispositions s’appliquent ­également aux personnels des entreprises, des ­organismes et des établissements publics ou privés, chargés de la gestion d’un ­service public (CGFP, art. L114-2).

5) L’exercice du droit de grève est-il soumis à un préavis ?

Les agents du secteur public soumis aux dispositions de l’article L2512-2 du code du travail doivent respecter un préavis avant d’exercer leur droit de grève.

Emanant d’une organisation syndicale représentative au niveau national, dans la catégorie professionnelle ou dans l’entreprise, l’organisme ou le service intéressé, le préavis doit préciser les motifs du recours à la grève. Il doit en outre mentionner le champ géographique et l’heure de début de la cessation du travail et préciser si la grève envisagée est d’une durée limitée ou non.

Ce préavis doit parvenir à l’autorité hiérarchique cinq jours francs avant le déclenchement de la grève.

Pendant la durée du préavis, le code du travail prévoit explicitement que «les parties intéressées sont tenues de négocier» (art. L2512-2).

En cas de non-­respect de cette obligation de préavis, les agents grévistes encourent des sanctions disciplinaires. En revanche, dans les communes de moins de 10 000 habitants, il n’est pas obligatoire.

Enfin, s’agissant plus spécifiquement des enseignants des écoles maternelles et élémentaires, un préavis de grève ne peut être déposé par une ou plusieurs organisations syndicales qu’après une négociation préalable entre l’Etat et elles. En cas d’échec de la négociation et de grève, les enseignants doivent déclarer leur intention de faire grève au moins quarante-huit heures avant (comprenant au moins un jour ouvré).

6) Quelles formes la grève peut-elle prendre ?

Selon le Conseil constitutionnel, la grève se définit comme «la cessation concertée du travail pour la défense des intérêts professionnels». Mouvement en principe collectif, la grève d’un seul agent peut cependant être légale, par exemple s’il exerce seul ses fonctions, comme un gardien de musée. Pour autant, elle ne peut pas prendre n’importe quelle forme. Ainsi, une grève politique, c’est-à-dire dépourvue de but ­professionnel, est illicite.

D’autre part, la durée de la grève ne peut être différente pour les diverses catégories ou pour les divers membres du personnel concerné. Le code du travail interdit également la grève « tournante », c’est-à-dire les arrêts de travail affectant par échelonnement successif ou par roulement concerté les divers secteurs ou catégories professionnelles d’un même établissement ou service, ou les différents établissements ou services d’une même entreprise ou d’un même organisme. Les grèves « du zèle », qui consistent à rendre impossible l’exé­cution du service, sont, de même, considérées comme illicites. La grève «sur le tas» avec occupation et blocage des locaux de travail est également interdite.

Enfin, la loi interdit expressément la grève «perlée» (CGFP, art. L114-9) : en cas de risque de désordre manifeste dans l’­exécution du service, l’autorité peut imposer aux agents qui se sont déclarés grévistes de rejoindre la grève dès le début de leur période de travail et jusqu’à son terme.

7) Quelles peuvent être les sanctions en cas de non-respect des dispositions encadrant le droit de grève ?

Le non-respect des dispositions relatives à l’exercice du droit de grève dans le secteur public a vocation à entraîner l’application de sanctions disciplinaires.

L’article L2512-4 du code du travail précise que ces sanctions sont prises dans le respect du principe du contradictoire : les agents doivent être mis à même de présenter des observations sur les faits qui leur sont reprochés et d’avoir accès au dossier les concernant.

De plus, la révocation et la rétrogradation ne peuvent être prononcées qu’en conformité avec la procédure disciplinaire normalement applicable. Dans ces circonstances, la révocation est prononcée sans perte des droits à la retraite.

La jurisprudence tempère néanmoins le caractère sanctionnable du non-respect des dispositions encadrant le droit de grève. En effet, la participation des agents à une grève irrégulièrement déclenchée n’est pas constitutive d’une faute, dès lors qu’ils n’ont pas méconnu sciemment les dispositions encadrant l’exercice du droit de grève dans les secteurs publics ((CE, 8 janvier 1992, n°90634)).

8) Qu’en est-il du service minimum ?

La loi du 6 août 2019 a entendu encadrer l’exercice du droit de grève dans la fonction publique territoriale afin d’assurer la continuité des services publics les plus essentiels. Ses dispositions sont désormais insérées dans le CGFP.

Ainsi, dans les collectivités territoriales et leurs établissements publics, l’autorité territoriale et les organisations syndicales les plus représentatives (celles qui disposent d’au moins un siège dans les instances au sein desquelles s’exerce la participation des agents publics) ont la possibilité d’engager des négociations pour signer un accord destiné à assurer cette continuité (CGFP, art. 114-7).

La loi liste les services publics ­concernés par ces accords. Seuls sont concernés les services publics de collecte et de traitement des déchets des ménages, de transport public de personnes, d’aide aux personnes âgées et handicapées, d’accueil des enfants de moins de 3 ans, d’accueil périscolaire, de restauration collective et scolaire (CGFP, art. L114-7). Il s’agit ainsi des services dont l’interruption en cas de grève des agents publics participant directement à leur exécution contreviendrait au respect de l’ordre public, notamment à la salubrité publique ou aux besoins ­essentiels des ­usagers de ces services.

Désormais, les agents occupant ces fonctions identifiées comme indispensables par ces accords doivent déclarer leur intention de faire grève au plus tard quarante-huit heures avant d’exercer ce droit. Si, finalement, un agent renonce à faire grève, il doit en informer l’autorité territoriale au plus tard vingt-quatre heures avant l’heure prévue de sa participation. Il en va de même pour l’agent gréviste qui décide de reprendre son service. A défaut, les agents encourent une sanction disciplinaire (CGFP, art. L114-9 et art.L114-10).

9) Sur quoi porte l’accord destiné à instaurer un service minimum dans la FPT ?

Le dispositif mis en place par la loi du 6 août 2009 tend à définir les prestations minimales devant être assurées en cas de grève. Il s’agit, par un accord, d’identifier notamment les ­fonctions et le nombre d’agents dont la présence est indispensable pour assurer ces prestations minimales, ainsi que les conditions dans lesquelles, en cas de ­perturbation prévisible de ces services, l’organisation du travail est adaptée et les agents présents au sein du service sont affectés. Cet accord est approuvé par ­l’assemblée délibérante (CGFP, art. L114-8).

A défaut de conclure un accord sur ces points dans un délai de douze mois après le début des négociations, c’est l’assemblée délibérante qui décide alors des services concernés, des fonctions et du nombre d’agents indispensables pour garantir la continuité du service public (CGFP, art. L114-8).

10) Quel est l’effet de la grève sur la situation de l’agent ?

L’absence de service réalisé par un fonctionnaire territorial donne lieu à une retenue sur son traitement : tel est le cas lorsqu’il se met en grève. A défaut de dispositions législatives précisant le régime de cette retenue, son montant doit être proportionnel à la durée de la grève. Il s’agit alors de comparer cette durée aux obligations de service auxquelles les intéressés étaient soumis pendant la période de grève.

 

Sources la Gazette des Communes par Sophie Soykurt

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