En quoi consiste le droit d’alerte et de retrait ?

Publié le 13 octobre 2023 à 10:49

Dès lors qu’il a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé, ou qu’il constate une défectuosité dans les systèmes de protection, l’agent territorial doit en aviser immédiatement son supérieur hiérarchique. On parle alors de « droit d’alerte ».

L’article 5-1 du décret du 10 juin 1985 précise qu’il peut également se retirer d’une telle situation. On parle dans ce cas d’un « droit de retrait », car l’agent n’encourt alors aucune sanction ni retenue sur sa rémunération. En l’occurrence, il importe peu que le danger perçu par l’agent se révèle, au final, inexistant ou minime. Il suffit que la crainte de l’intéressé ait été légitime, c’est-à-dire qu’il ait pu raisonnablement penser que sa situation de travail présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé (art. 5-1).

En outre, l’autorité territoriale ne peut pas demander à l’agent de reprendre son activité dans une situation de travail présentant un danger grave et imminent. Elle doit prendre les mesures nécessaires pour que les agents concernés puissent cesser leur activité et se mettre en sécurité en quittant immédiatement leur lieu de travail.

Qu’est-ce qu’un « danger grave et imminent » ?

Un danger grave et imminent s’entend comme une menace directe pour la vie ou la santé du fonctionnaire ou de l’agent, c’est-à-dire une situation de fait pouvant provoquer un dommage à l’intégrité physique ou à la santé de la personne.

Le danger en cause doit donc être grave, c’est-à-dire susceptible d’entraîner des conséquences définitives ou, en tout cas, longues à effacer et importantes, au-delà d’un simple inconfort. La température des locaux de service jugée trop basse par un agent ne peut fonder l’exercice de son droit de retrait (1), de même que la présence de déjections de chauve-souris dans une école, comme l’a confirmé le Conseil d’Etat (2).

S’agissant du caractère imminent du danger, cela suppose qu’il soit susceptible de se réaliser brutalement dans un délai rapproché (circulaire du 12 octobre 2012). Cette menace concerne plus spécialement les risques d’accident, puisque ce dernier est dû à une action soudaine entraînant une lésion du corps humain. Ainsi, le danger peut résulter d’une machine, d’un processus de fabrication, d’une situation ou d’une ambiance de travail.

Par exemple, un agent chargé de nettoyer les portes extérieures d’une maison de retraite où des inconnus s’étaient introduits à plusieurs reprises n’a pas pu invoquer son droit de retrait (3).

En revanche, un agent a pu invoquer son droit de retrait pour refuser de monter dans le godet d’un tracteur levé à quatre mètres du sol pour monter sur une échelle et installer des illuminations  (4).

Quelles sont les limites du droit de retrait ?

Le droit de retrait doit s’exercer de telle manière qu’il « ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent » (décret du 10 juin 1985, art. 5-1).

Par « autrui », on entend toute personne susceptible, du fait du retrait de l’agent, d’être placée elle-même dans une situation de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Il peut donc s’agir de collègues de l’agent, mais aussi, le cas échéant, de tiers tels que les usagers du service public (circulaire 12 octobre 2012).

De plus, certaines missions de sécurité des biens et des personnes sont incompatibles avec l’exercice du droit de retrait dans la mesure où sa mise en œuvre compromettrait l’exécution même des missions propres de ce service (lire la question n°4).

Quelles missions sont incompatibles avec l’exercice d’un droit de retrait ?

Les missions incompatibles avec l’exercice d’un droit de retrait sont déterminées par un arrêté interministériel du 15 mars 2001.

Il s’agit, pour les agents du cadre d’emplois des sapeurs-pompiers, des missions opérationnelles définies par l’article 1424-2 du code général des collectivités territoriales.

Cela concerne, pour les agents des cadres d’emploi de police municipale et pour les agents du cadre d’emploi des gardes champêtres, et en fonction des moyens dont ils disposent, les missions destinées à assurer le bon ordre, la sécurité, la santé et la salubrité publique, lorsqu’elles visent à préserver les personnes d’un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé.

Quelle est la procédure à suivre ?

Précisée par le décret du 10 juin 1985 (à compter du 1er janvier 2023, décret n°2021-571), la procédure permettant la mise en œuvre du droit de retrait se décompose en deux phases :

  • une « phase d’alerte » sur l’existence d’un danger grave et imminent ou d’une défectuosité dans les systèmes de protection (lire la question suivante)
  • et une « phase d’enquête » sur la réalité du danger et les mesures à prendre le cas échéant.

Dès lors que l’autorité ­territoriale est informée de la situation, elle doit procéder immédiatement à une enquête, en compagnie des membres de la formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail (F3SCT) 

L’autorité territoriale prend ensuite les mesures nécessaires pour remédier à la situation. Elle informe les membres (F3SCT) des décisions prises.

Comment déclencher l’alerte ?

L’agent qui a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, s’il constate une défectuosité dans les systèmes de protection, doit en aviser son supérieur hiérarchique. Il doit l’alerter, soit avant de se retirer de son poste de travail, soit en même temps.

L’alerte peut également être déclenchée par un membre (F3SCT) , ou à défaut par un membre du Comité social territorial , qui constate – notamment par l’intermédiaire de l’agent ayant exercé son droit de retrait – une cause de danger grave et imminent. L’autorité territoriale doit en être avisée immédiatement. Ce signalement est formalisé par écrit dans un registre spécial (lire la question n°9).

Que se passe-t-il en cas de désaccord sur la mise en œuvre du droit de retrait ?

En cas de divergence sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser, la (F3SCT) est réunie en urgence dans un délai de vingt-quatre heures maximum.

Le cas échéant, ces interventions donnent lieu à un rapport adressé conjointement à l’autorité territoriale, à la (F3SCT) et à l’ACFI. Ce rapport indique, s’il y a lieu, les manquements en matière d’hygiène et de sécurité et les mesures proposées pour remédier à la situation. Dans les quinze jours suivants, l’autorité territoriale doit apporter une réponse motivée à l’auteur du rapport.

En cas de désaccord persistant, le décret du 10 mai 2021 ­prévoit qu’à compter du 1er  janvier 2023, ­l’inspecteur du travail sera obligatoirement saisi (décret n° 2021-571, art. 68).

Quels éléments de réponse doit apporter l’autorité territoriale ?

Elle doit indiquer les mesures prises immédiatement après l’enquête réalisée à la suite du signalement du danger, les mesures prises après l’avis émis par la (F3SCT) réuni en urgence, celles prises au vu du rapport et enfin, celles qu’elle va prendre ainsi que le calendrier de leur mise en œuvre. Une copie de la réponse de l’autorité territoriale est adressée à la (F3SCT) et à l’ACFI.

Que se passe-t-il à l’issue de la procédure ?

Lorsque la situation de danger grave et imminent a été confirmée, le retrait de l’agent est justifié. Il ne peut être ni sanctionné, ni contraint à reprendre son travail tant que le danger persiste. L’autorité territoriale peut néanmoins lui confier un autre travail correspondant à sa qualification professionnelle.

S’agissant des agents contractuels, ils bénéficient de droit du régime de réparation applicable en cas de faute inexcusable de l’employeur définie à l’article L452-1 du code de la sécurité sociale : il en va ainsi dans la mesure où ils relèvent du régime général de la sécurité sociale et auraient été victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, alors que ces agents ou un membre de la (F3SCT) avaient signalé au chef de service un risque qui s’est effectivement réalisé (art. 5-4 du décret de 1985 modifié).

En revanche, lorsque le retrait de l’agent a été considéré comme injustifié, l’agent peut faire l’objet d’une retenue sur salaire (en cas d’absence de service fait) et de poursuite disciplinaire.

Si la situation de danger grave et imminent ne persiste plus, l’autorité territoriale pourra, si nécessaire, mettre en demeure l’agent de reprendre le travail. Elle n’est toutefois pas tenue d’inviter cet agent à reprendre son travail dès que la situation de danger a disparu.

 

Sources Gazette des Communes par Sophie Soykurt 

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